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Quand les barbares se présentèrent en masse, pour la grande ruée de 406, les défenses étaient affaiblies par plus de cinquante ans d'alertes continuelles. Celle de 352 avait été la première qui présentât des symptômes graves.

L'année d'avant, instance II avait licencié l'armée de réserve de Gaule, le comitatus. Il craignait en effet que ces soldats de métier ne se donnent un César rival, et n'entretiennent la guerre civile. Sans armée de réserve, la Gaule était une proie. Elle fut envahie au Nord-Est par les Francs et les Alamans qui s'installèrent en profondeur, prenant les terres, asservissant les hommes, dominant tous les pagi situés entre Rhin et Moselle. Pour la première fois, les Barbares manifestaient l'intention de s'installer définitivement par la force sur terre d'Empire.

Julien, devenu César en 355, avait réussi peu après à reconquérir la plaine du Rhin. Il avait été proclamé Auguste à Lutèce, où il avait fait construire un palais. Épris de philosophie grecque, Julien se plaisait sur les rives de la Seine. Valentine, son successeur, s'était installé à Trèves d'où il avait, une fois de plus, repoussé les Alamans. Les 35 000 guerriers rassemblés sur le Rhin, dans la vallée du Neckar.

La Gaule put ainsi s'endormir dans une sécurité trompeuse. N'avait-on pas engagé dans l'armée une masse nouvelle de Barbares, ceux qui n'avaient pas voulu repasser le Rhin?

La surprise fut grande, la nuit du 31 décembre 406. Une concentration de Barbares jamais vue jusque-là se présenta sous les remparts du limes. Les garnisons n'en croyaient pas leurs yeux. Tous les peuples germaniques passaient le Rhin, avec femmes, enfants, troupeaux. C'était une véritable migration, un flot ininterrompu qu'il était impossible d'endiguer. Il n'y avait pas là seulement les vieux ennemis, Francs et Alamans, mais aussi les Vandales, les Suèves, les Alains, les Burgondes. La pression formidable de ces peuples faisait céder les fortifications de Valentinien. La foule qui se pressait aux portes de l'Empire ne venait pas pour piller. Elle était partie sans espoir de retour, elle était dangereuse parce qu'elle avait peur. Derrière les Germains, les cavaliers huns prenaient les récoltes et brûlaient les villages.

La Romania était envahie. Les secours ne pouvaient venir d'Orient. Là-bas, les Wisigoths, chassés aussi par les Huns, avaient battu l'armée romaine à Andrinople en 378. En Gaule, l'usurpateur Maxime profitait du désordre pour s'emparer du pouvoir. L'empereur romain Théodose avait lâché contre lui une armée de Barbares commandée par des généraux francs, Richomer et Arbogast. Les Francs vainqueurs avaient à leur tour fabriqué un usurpateur: Eugène... Théodose avait dû trouver d'autre barbares, pour vaincre les Barbares de Richomer et Arbogast. Mais à sa mort, l'empereur d'Occident, Honorius, avait onze ans... Il ne devait jamais connaître la Gaule. Le général vandale Stilichon y régnait à sa place.

En 406, quand fut connu le désastre, Stilichon était occupé à défendre l'Italie contre les Ostrogoths. Les seuls soldats dont disposât la Gaule envahie étaient tous des Barbares.

Ils n'opposèrent aucune résistance au passage des Germains. De Mayence, ceux-ci gagnèrent, de proche en proche, l'Espagne. Quelques peuples s'étaient installés dans les Provinces: les Burgondes dans la vallée du Rhône, les Wisigoths d'Athaulf en Narbonnaise. Devenu roi de Carbone, Athaulf y avait épousé en grande pompe la fille de Théodore, Placidie... Rome trouvait quelque avantage à cette "installation" des rois barbares. Certes la Gaule n'avait plus de nouveaux envahisseurs, mais elle n'appartenait plus à Rome. Honorius de fait convoquer à Arles (et non à Lyon) l'assemblée générale des Gaules. Les provinces s'administraient elles-mêmes. On revenait à la grande anarchie gauloise.

En 418, Rome avait fait revenir d'Espagne ceux des Wisigoths qui s'y étaient aventurés. Craignant une invasion des peuples marins, les Saxons, elle avait installé les Wisigoths en Aquitaine.

Les "fédérés" wisigoths étaient alors le seul peuple organisé sur le territoire gaulois, en dehors des Francs et des Burgondes établis sur la rive gauche du Rhin. Ces "fédérés" obéissaient à leurs rois nationaux, pas à Rome.

Nominalement, le pouvoir de Rome, et surtout son prestige, subsistaient. Un "maître de la Milice", Aetius, tenta même d'organiser à la romaine, de 425 à 454, l'installation des différents peuples barbares sur le sol gaulois. Il combattit les Burgondes et leur proposa d'occuper à titre d'hôtes la région des Alpes, de Grenoble à Genève. Les "hôtes" barbares prenaient possession des domaines, avec leurs familles. Ils avaient droit à la moitié, quelquefois au tiers, mais souvent aux deux tiers du sol ou des revenus du sol. En échange ils devaient assumer la défense des villages. Après les Burgondes, Aetius avait ainsi "installé" les Francs Saliens, qui avaient investi méthodiquement le Nord.

Il se félicita de sa politique quand il dut affronter, en 451, la grande ruée des Huns. Attila en personne avait passé le Rhin, à la tête d'une armée nombreuse. De Metz, il lui fallut deux mois pour atteindre Orléans. Aetius mit à profit ce délai. Il fi alliance avec les Wisigoths, les Burgondes, les Francs et les peuples de l'Armorique. Attila, étonné de cette résistance, se replia sur Troyes. Au lieu dit "Campus Mauriacus", il fut vaincu par la coalition des Barbares de Gaule. Théodoric, roi des Wisigoths, était mort dans la bataille.

Aetius ne tira guère profit de sa victoire. Celui que l'on appelait en Gaule "le dernier des Romains" mourut victime d'une intrigue de palais. Valentine III le fit assassiner à Rome. Ceux qui l'avaient aidé à repousser les Huns n'avaient pas manqué de tirer eux-mêmes les bénéfices de leur action. Nulle autorité n'existait plus en Gaule. Les notables gallo-romains, inquiets, appelaient eux-mêmes les rois barbares et leurs guerriers, pour bénéficier de leur protection. Ainsi les Burgondes s'étaient-ils installés dans la vallée de la Saône et jusqu'à Lyon, qu'ils occupèrent. Bientôt ils descendirent le Rhône, "protégeant" tous les domaines de la vallée et des coteaux, prenant pied dans la vallée de la Drôme et dan celle de la Durance. La Franche-Comté et la Suisse romande étaient également sous leur coupe. Les rois Burgondes régnaient de l'Yonne et de la Haute-Seine jusqu'à la Durance.

Au Nord, les Francs campaient sur la Somme et poursuivaient leur descente vers le Sud. Dans le Midi, les Wisigoths enlevaient le Berry aux derniers représentants de Rome. Leur Roi Euric entrait dans Arles, s'emparait de l'Auvergne, ardemment défendue par Sidoine Apollinaire. Les Wisigoths atteignaient la Loire. Toute la Gaule était aux mains des rois barbares lorsque disparut complètement l'Empire romain d'Occident, en 476.

Dans l'article suivant nous découvrirons "La progression des Rois Francs de 476 à 715"