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Devant les menaces continuelles et l'insécurité endémique, devant les invasions répétées jusqu'au IXe siècle, les populations s'étaient regroupées autour de la seigneurie la plus proche, la plus capable d'assurer la défense commune.

Les seigneurs étaient tous de familles nobles qui s'étaient illustrées sous les précédentes dynasties. Comme tels, bien qu'ils ne fussent pas sacrés, ils étaient respectés du peuple. Ces nobles pouvaient être, au Xe siècle, de tout petits barons retranchés dans leurs châteaux forts. Les châteaux, construits à l'origine en bois et non en pierre, avaient en effet tendance à dominer un "pays" (les vieux pagi de Gaule), à se rendre indépendants des plus grands seigneurs du comté ou du duché.

Les "châtelains" se comportaient sur leur territoire en souverains: ils défendaient la population rurale et lui offraient en cas de danger le refuge du château. Mais, en échange, la famille qui dominait la forteresse levait sur les paysans les droits féodaux et seigneuriaux.

De la sorte, la distinction s'établit très vite entre les familles "nées" qui se transmettaient, de père en fils, à la fois l'héritage des terres et celui du "ban" (pouvoir de commandement), et les familles roturières, nées pour le travail et non pour la guerre, qui devaient livrer aux nobles une partie des fruits de leur travail.

En marge de ces deux groupes, les gens d'Église, du clergé séculier ou régulier, avaient droit à la protection des "chevaliers" sans aucunement devoir leur verser l'impôt. La société privilégiée des "ordres" s'imposaient ainsi aux mentalités collectives. On peut considérer qu'au XIe siècle la vision de la société impliquait cette idée d'ordres. Le système féodal était en place.

Naturellement les petits châtelains et les barons de terroirs avaient dû subir la suzeraineté effective (et non formelle comme celle du roi de France) des puissants seigneurs des provinces, qui avaient fait sentir leur force et imposé leur droit. S'ils avaient respecté les coutumes et privilèges locaux, ils avaient brisé l'autonomie des petits châteaux, pour les regrouper dans leur possession.

La féodalité se trouvait ainsi reconstituée en une sorte de pyramide, à la tête de laquelle se situait nominalement le roi de France. Ce schéma théorique, dont le conseiller Suger faisait l'image même de l'organisation du royaume, restait un idéal.

Le roi ne disposait en effet à l'égard de ces princes que d'une seule arme: il pouvait intervenir, comme suzerain, dans les questions d'héritages; par exemple Robert le Pieux, profitant d'une vacance dans la succession du duché de Bourgogne, put imposer son propre fils comme héritier. La politique matrimoniale pouvait avoir aussi une certaine efficacité.

En 1137, à la mort du puissant duc d'Aquitaine, Louis VI avait marié son fils à l'héritière du duc, Aliénor, espérant qu'un enfant mâle apporterait le duché au royaume. Hélas, Louis VII répudia Aliénor! Le mariage fut annulé en 1152 et l'héritière se jeta dans les bras du duc d'Anjou, futur roi d'Angleterre, Henri Plantagenêt.

C'est à l'intérieur du système féodal que le roi de France, par des interventions heureuses, pouvait espérer rétablir son autorité en étendant son domaine. Il n'avait pas les moyens, ni d'ailleurs la volonté, d'abattre le système lui-même. La fortune du royaume était ainsi conditionnée par le jeu des mariages, des héritages, des alliances et mésalliances.

Elle était étroitement liée au sort des familles princières.